Apprendre le code en peer-to-peer

Mathieu Mahé
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On entend de plus en plus le terme “peer-to-peer” (ou “pair à pair” en français, j’utiliserai les deux) dans l’apprentissage de l’informatique. Ce terme signifie qu’on va s’appuyer sur nos pairs (du même niveau que nous) pour mieux apprendre.

Il est aujourd’hui à la mode car il fait parti des pratiques innovantes qui changent la face de l’éducation. (… et, il faut aussi l’avouer, il est aussi parfois utilisé simplement dans un soucis de réduction des coûts)

Dans cet article, nous allons nous concentrer sur deux aspects du pair à pair :

  • L’apprentissage pair à pair (ou peer to peer learning), apprendre avec ses pairs.
  • Les corrections par les pairs (ou peer reviews), faire corriger son travail par ses pairs.

Le peer learning

Le peer learning regroupe différentes techniques pour que les étudiants travaillent ensemble.

Nous allons en voir quelques unes, qui ne sont d’ailleurs pas uniquement applicables à l’apprentissage de l’informatique.

Les travaux en groupe

Que ce soit une dissertation d’histoire ou la création d’un site web, le moyen le plus efficace pour faire travailler les étudiants ensemble est de… faire travailler les étudiants ensemble ! En faisant travailler plusieurs étudiants sur la même production, on créé une dynamique d’apprentissage pair-à-pair.

Mais attention ! Il faut toujours veiller au grain pour débriefer les blocages, re-mobiliser les étudiants qui ne travaillent pas (volontairement ou non), gérer les groupes qui explosent en vol, etc. Le rôle du prof devient donc celui d’un manager d’équipe, qui doit faire en sorte que chacun ait les conditions pour donner le meilleur de lui-même.

La question de la composition des groupes est également centrale.

C’est avant tout une question d’arbitrages. On n’apprend pas la même chose si on fait un duo avec son binôme de toujours ou si l’on fait parti d’un groupe de 10 étudiants sélectionnés aléatoirement.

De même, faire des groupes par niveaux permet aux meilleurs d’aller plus loin dans leur apprentissage (tout en permettant au prof de se concentrer sur ceux en difficulté) tandis que faire un groupe de niveaux disparates permet aux meilleurs de coacher les moins bons.

Il n’y a pas de formule parfaite. Tout dépend des objectifs et du dispositif pédagogique !

Et n’oublions pas aussi que le travail en groupe permet de développer d’autres compétences : la collaboration, la répartition des rôles, la prise de responsabilité sur son rôle, la gestion de conflits, etc.

La collaboration libre en salle

Evidement, il faut que les étudiants puissent communiquer entre eux et se mettre en groupe. Le format de salle “scolaire” tourné vers le sachant n’est pas adapté au travail en pair-à-pair. Les grands open-space ne le sont pas forcement non plus.

Une salle avec des équipements mobiles et des outils librement à disposition (rétro-projecteurs, tableaux effaçables) est idéale.

Même en informatique, pourvu que les étudiants soient pourvus d’ordinateurs portables, il y a la possibilité de facilement se déplacer et donc d’échanger sur le pouce, selon les besoins.

Attention, par contre, à trouver un bon équilibre entre pouvoir parler et ne pas faire trop de bruit ! C’est un problème délicat qui se règle souvent avec des règles strictes sur le volume sonore… ou en proposant des espaces plus grands.

Les plateformes d’échange d’informations

Un bon moyen de pousser au peer-to-peer est de mettre à disposition des étudiants des outils pour poser des questions à la classe, échanger leurs notes, partager les sites ou les vidéos en ligne qui parlent des sujets en cours, etc.

Cela peut se faire sur un LMS qui triera et gardera les informations, ou simplement sur un outil de conversation comme Slack ou Discord.

Les profs eux-mêmes peuvent contribuer à la communauté d’échange pour compléter les infos qui y sont postées, voire pour partager eux-mêmes du contenu en plus. Ils ont aussi un rôle de modération, pour s’assurer qu’il n’y a pas de réponses toutes faites qui sont partagées, ce qui pourrait casser l’intérêt des exercices donnés !

Egalement, la gamification peut ici jouer un grand rôle.

En effet, les étudiants seront d’autant plus enclins à prendre du temps pour répondre à leurs collègues et partager leurs notes, si cet investissement est valorisé dans un système gamifié.

Les peer reviews

Les peer reviews sont communes dans la recherche et dans le monde professionnel. Que ce soit le chercheur qui relit les travaux d’un pair pour valider sa méthodologie ou l’informaticien qui relit le code de son collègue pour s’assurer qu’aucune faille de sécurité ne s’y soit glissée.

Dans le monde de l’éducation, on voit souvent le même schema : en fin de projet ou de devoir, un étudiant récupère le travail d’un de ses collègues et le note. Il va suivre un barème pré-défini par le professeur dans le meilleur des cas.

La théorie veut que comme l’étudiant-correcteur vient de finir lui-même ce projet, il est clair sur son sujet et sur ses problématiques. Il pourra donc efficacement noter son collègue. L’étudiant-correcteur apprend au passage à comprendre et critiquer un rendu qui est potentiellement très différent du sien, retravaillant au passage les notions visées.

Et dans certains cas, la théorie fonctionne !

Malheureusement, cela dépend de beaucoup de critères. Si on se base uniquement sur la bonne volonté des étudiants, en se disant qu’ils sont responsables et autonomes, on peut avoir des surprises. Et oui, l’humain entre en jeu ! Si notre étudiant-correcteur doit corriger son meilleur ami, la personne pour qui il a le béguin, ou l’étudiant qui doit le corriger sur le prochain projet, il va être plus “compréhensif”.

Au-delà de ça, la différence de niveaux dans une classe pose souvent problème. Comment un étudiant très en difficulté pourrait corriger efficacement le projet du 1er de la classe ? Et où est la valeur ajoutée pour ce 1er qui est plutôt en demande d’un feedback pointu pour parfaire son travail ?

Dans les faits, une correction par un pair n’apporte pas un feedback aussi pertinent qu’une correction par un prof expert. Le prof a plus de recul sur la discipline, connait les écueils traditionnellement rencontrés par les étudiants, et comprend bien mieux les enjeux du projet au sein du cursus.

Pour résumer, les peer reviews sont un outil à double tranchant. Elles peuvent permettre aux étudiants de travailler les notions sous un nouvel angle, à condition d’être encadrées et de travailler l’autonomie avec les étudiants.

Dans tous les cas, elles ne peuvent pas remplacer complètement des corrections par un prof ou par une personne expérimentée.

Le pair à pair dans nos formations

Dans les formations en informatique que nous fournissons à nos clients, le pair à pair a une grande place.

Les étudiants doivent collaborer régulièrement pour réaliser les projets demandés. Ils débattent pour trouver les meilleures solutions. Ils font des peer reviews. Notre LMS est conçu autour de ces différents aspects du peer-to-peer learning, et facilite sa mise en place pour les étudiants et les encadrants.

Comme le peer-to-peer demande pas mal d’autonomie aux étudiants, on l’ajoute progressivement au cours du cursus. On ne noie pas l’étudiant sous les modalités pédagogiques dès le début ! On commence donc par des exercices très guidés, et la part d’autonomie (et donc de peer-to-peer) augmente petit à petit.

Pour les corrections, nous utilisons les peer reviews au milieu des projets, et une review “classique” à la fin :

  • La peer review de mi-projet permet aux étudiants d’échanger leurs techniques pour réaliser le projet. Cela leur permet de faire le point sur où ils en sont, de se confronter à un autre mode de résolution, et si besoin de changer de cap. La correction suit un barème précis - souvent le même que pour la correction finale - et l’étudiant obtient une note temporaire qui lui permet de se situer par rapport aux attentes du projet.

  • La review finale est faite par un prof. Elle débloque une note qui sert à la validation du cursus, elle doit donc être réalisée correctement, sans triche ni erreur. De plus, le prof pourra critiquer le produit final et orienter l’étudiant vers des techniques plus appropriées à son niveau (chose qu’un autre étudiant aura plus de mal à faire). Enfin, le regard expérimenté du prof permet de débusquer des erreurs plus pointues - erreurs que l’étudiant pourra à son tour traquer lors de futures peer reviews !

Conclusion

Comme toute méthode pédagogique qui laisse une grosse part à l’émergent, le pair à pair demande au prof d’adopter une posture agile, plus proche de la facilitation que du cours magistral.

Un équilibre parfois délicat, mais avec une vraie plus value : le pair à pair permet de se rapprocher du monde du travail.

Car si l’étudiant apprend dès sa formation à travailler en groupe, à relire le rendu d’un collègue et à accepter les critiques des autres, il sera plus rapidement opérationnel dans son futur emploi !

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Mathieu Mahé

Co-fondateur & spécialiste Tech


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